18 May
18May

« La raison est la seule chose qui rend humain. » 

« La lecture de tous les bons livres est comme une conversation avec les plus honnêtes gens des siècles passés. » 

René Descartes

               Les pays d’Europe de l’ouest ont eu coutume de s’identifier à des écrivains : Dante en Italie, Shakespeare en Angleterre, Cervantès en Espagne, Goethe en Allemagne, mais l’esprit français, lui, s’est incarné dans un philosophe : René Descartes. A tel point qu’il a souvent pu être dit que : « Descartes, c’est la France ». Dans le langage courant, être cartésien, c’est s’en tenir à ce que la raison désigne comme absolument sûr et certain. Toute la philosophie de Descartes tient dans cette problématique : de quoi pouvons-nous être absolument sûr et certain.


Le doute méthodique 

          Aux fondements de la philosophie de Descartes est présente, comme chez tous les philosophes, une obsession de la Vérité, mais cette obsession va aller plus loin avec Descartes pour qui la peur de se tromper va l’amener à douter de tout, afin de trouver une base stable sur laquelle construire sa pensée. Ce doute est dit « méthodique », car provisoire, il n’a pour but que d’établir des vérités indubitables. C’est aussi un doute « hyperbolique », c’est-à-dire (largement) exagéré pour pousser à l’extrême les arguments les plus sceptiques. 

Il se montre très méfiant vis-vis de ce qu’il appelle l’« opinion », c’est-à-dire le fait de donner son avis sans réels arguments à l’appui, sur la simple base de l’émotion. Il s’agit là du degré zéro de la vérité. Sa pratique du doute méthodique présente son utilité pratique dans la déconstruction de l’opinion. Descartes se fait alors grand critique de l’éducation. Il en appelle à douter de la vérité de ce qui a été appris, il nous faut considérer tout ce qui n’est pas le fruit de nos propres recherche rationnelles comme non valable et pouvant se révéler faux par la suite. 

Ainsi, scientifique de formation (Mathématiques et Physique), Descartes travailla à résorber la séparation entre méthode scientifique (mécanisme, à son époque) et recherche philosophique, pour appliquer la méthode scientifique mécaniste à la philosophie. 


Nos sens nous trompent 

          La nature humaine nous porte à l’erreur : nos sens nous trompent. Notre perception de la réalité est biaisée en permanence, faisant que nous ne pouvons pas nous fier de manière intégrale à ce que nous présentent nos sens. Descartes considère la connaissance comme quelque chose de fragile et qui repose sur de nombreuses choses douteuses, comme le fait de voir une tour ronde au loin alors qu’elle est vue de près, ou encore que nous entendions parfois le vent nous appeler par notre prénom quand nous marchons en forêt. 

Si nos sens nous trompent, nous ne pouvons pas être certains de notre existence corporelle en ce que nous en avons la perception par nos sens, qui nous trompes. Il rejette tout ce qui est potentiellement erroné. Il s’agit véritablement d’une philosophie de la paranoïa : douter de tout pour être sûr de ne pas se tromper. 

Descartes fait alors preuve d’un méfiance radicale à l’encontre de tout ce qui peut être source d’erreur : tout ce qui n’a pas été prouvé comme vrai est marqué du sceau du doute. Mais tout ne peut cependant être nié, c’est ce que Descartes appelle la « morale provisoire ». Le doute n’est pas absolu, il s’agit d’un outil, d’une méthode pour accéder à la vérité. 

En effet, quelque chose résiste au doute selon lui : le fait que je doute. Douter, c’est penser. Or, nous ne pouvons pas avoir l’illusion du fait que nous pensons. La pensé, même si elle est fausse, existe. Le fait de penser n’implique absolument pas l’existence de notre corps et, pour arriver à prouver cette existence, ainsi que celle du monde, Descartes a besoin de nous faire faire un détour par l’existence de Dieu. 


L’existence de Dieu 

          La Vérité première, selon Descartes, n’est pas que Dieu existe, mais bien le fait que nous pensons, et que nous existons en tant qu’être pensant. Certes, Descartes fut chrétien, mais Dieu n’est pas un concept premier dans son système philosophique. Il s’agit du doute. C’est là que réside toute l’originalité de Descartes par rapport à ses prédécesseurs théologien, comme Saint Thomas, pour qui Dieu est à la base de leur système de pensée. Descartes réalise alors, au XVIIe siècle, une véritable Révolution copernicienne de la pensée en considérant que ce qui est le plus fondamentale sont les concepts de doute et ses dérivés : pensée, existence et individus, et non plus Dieu. 

Descartes considère que la pensé, c’est-à-dire quelque chose d’immatérielle, possède un degré de réalité supérieur aux choses matérielles comme les corps, les objets physiques. Sa façon de voir le monde est donc très similaire à la réflexion de Platon pour qui les Idées sont premières sur le sensible. Les Idées, c’est-à-dire les archétypes, sont ce à partir de quoi le monde et la réalité sont des projections. Tout comme chez Platon, Descartes considère que la meilleure façon d’accéder à la réalité se fait par l’intelligible, que Descartes appelle la « pensée ».  La pensée n’est pas d’ordre sensible, mais intelligible, accessible par l’esprit et l’usage de la raison. 

Pour justifier de l’existence de Dieu, Descartes s’en remet à l’argument théologique commun (et bancale) de l’époque médiévale : dans notre pensée, même si nous sommes athées, nous pouvons nous faire l’idée d’un être parfait, or, il y a plus de perfection dans l’existence que dans la non-existence, donc Dieu existe. En outre, une fois l’existence de Dieu « prouvée », nous pouvons en toute logique refaire confiance à nos sens, ainsi qu’à l’existence du monde et de notre corps, car Dieu ne peut être trompeur, sinon il ne serait pas parfait. 


La foi dans la pensée 

          Dans les Evangiles, Jean nous dit qu’« Au commencement était le Verbe », c’est-à-dire la parole. En grec, la parole, le discours rationnel, ce dit : « Logos ». En faisant une place aussi centrale à la pensée, Descartes effectue un retour aux origines grecs de la philosophie. En cela il fut bien le produit de son temps, où les philosophes et poètes humanistes se faisait un honneur de redécouvrir et remettre au goût du jour la civilisation antique, notamment Grec. 

Le terme d’« humanistes » désigne d’abord les spécialistes de l’étude des humanités littéraires, c’est-à-dire des littératures anciennes. Par extension il fait référence à cette idée nouvelle en Occident que pour devenir un être humain accomplit il faut en passer par l’étude approfondie des textes aux fondements de la civilisation. 

Descartes se place dans ce sillage, avec cela de plus qu’il chercha également à faire la synthèse de la science moderne avec la philosophie de la renaissance et la théologie médiévale. Pour Descartes, ce qui nous définit le mieux, c’est que nous sommes des êtres éternels dont la réalité va bien au-delà de notre existence physique. Si les choses matérielles peuvent exister, les choses de l’esprit peuvent faire plus que cela, elles peuvent « être ». Et ce qui « est » n’a pas forcément besoin d’exister pour être. Ce n’est pas parce que nous « sommes », que nous sommes obligés de prouver que nous existons. Nous pouvons nous contenter d’être. 

L’Esprit aurait pu se contenter d’être, il aurait pu continuer à être dans l’éternité, mais il semble bien qu’il eut besoin de sortir de lui-même, d’une image dans laquelle se voir lui-même comme dans un miroir, sortir de l’état d’indifférence dans lequel il était plongé pour vivre la relation dans la différence à lui-même. Ce que Descartes veut nous dire, c’est que nous sommes peut-être le miroir de l’Esprit.

Commentaires
* L'e-mail ne sera pas publié sur le site web.