05 May
05May

          Face au constat que le monde, la nature et l’esprit sont en mouvement permanent, dans un état d’inconstance qui nous empêche de distinguer le vrai du faux, la certitude de l’erreur, Aristote s’est donné pour but philosophique de comprendre le changement sous toutes ses formes. Premier constat : il y a de l’ « être », c’est-à-dire il y a de la matière, un monde physique à observer et duquel tirer la connaissance de la réalité dans laquelle nous sommes plongé. 


L’animation de la matière 

          Les choses bougent. Cela est une évidence, mais pourquoi bougent elles ? Qu’est-ce qui leur procurent leur mouvement ? Question fondamentale à la base des recherches philosophiques d’Aristote, pour qui l’être vivant est un être naturel qui a en lui-même le principe de son mouvement. Aristote définie ainsi la vie comme ce qui est doué de mouvement : vie et mouvement sont intimement liés, sans pour autant être identiques. 

Le mouvement caractérise le déplacement des corps dans l’espace or, selon Aristote, les corps ne se meuvent pas d’eux-mêmes mais ont besoin d’une âme pour les animer. A la manière d’un bloc de pâte à modeler, la matière est pure indétermination et contient en elle la possibilité d’être toute sorte d’êtres. L’âme agit à la manière d’un moule venant donner sa forme à la matière : le corps d’un être vivant possède la possibilité de la vie ; l’âme le met en état de vivre et de sa mouvoir. Le corps et semblable à un moteur de voiture, complexe et inerte, dont l’âme est le démarreur activant la machine. Tout être est donc un mélange de matière et de forme. 

Si l’âme et le corps sont profondément liés l’un à l’autre, l’âme ne se confond cependant pas au corps. Elle en est la cause efficiente : sans l’âme le corps ne peut pas se mouvoir et ne peut donc pas vivre ; sans le corps l’âme ne peut pas réaliser sa fin, son but. 


La réalisation de l’âme 

          Dans son traité de l’âme (De Anima) Aristote nous dit que la fin recherchée par l’âme dépend de deux choses : d’une part le but visé, et d’autre part le sujet servi, le corps dans lequel est située l’âme. Etant biologiste, Aristote considère ainsi que la fin de l’être vivant réside dans la perpétuation de l’espèce (le but visé) et dans la perfection propre du vivant lui-même (le sujet servi). Les êtres vivants sont donc soumis aux principes de la nature de deux façons : ils suivent le mouvement naturel de la vie (se nourrir, croitre, se reproduire, &c), et tendent à leur propre perfection (santé, force, intelligence, &c). Chaque individus appartenant à une certaine espèce suis sa propre fin, son propre tèlos, tout en restant conditionné par le cadre de la nature. 

Nous avons donc vu qu’Aristote est un philosophe empiriste, un biologiste et un physicien qui cherche à comprendre l’origine du monde et de la vie à travers l’étude du vivant. L’âme est pour lui le principe de vie sans lequel le corps ne peut pas se mouvoir et reste à l’état de matière inerte. L’âme est ce qui donne sa forme à la manière, et au corps sa fonction. Par exemple, ce qui caractérise la hache est le fait de trancher : le tranchant de la hache est sa forme, ce qui fait qu’une hache est une hache, et l’action de trancher est sa fonction. Dès lors que la hache perd son tranchant, elle perd ce pour quoi elle existe et ne peut plus accomplir sa fonction, atteindre sa finalité, c’est-à-dire ce pour quoi elle existe. C’est donc en étudiant les facultés de l’âme qu’Aristote vise à une compréhension unifiante du vivant à partir de ses manifestations physiques, à partir de la compréhension des êtres vivants et des fonctions qui les font agir de telles ou telles manières. 


Le Dieu d’Aristote 

          S’il nous est possible de comprendre le vivants via l’étude des mouvements des animaux, qu’en est-il du monde ? Le monde possède-t-il une âme, c’est-à-dire une finalité ? Aristote reste incertain à ce sujet. Il nous dit qu’il existe un « Premier Moteur » immobile cause de l’univers, mais que ce Premier Moteur n’est pas celui qui a mit l’univers en mouvement. Il est cependant ce vers quoi tend le mouvement de l’univers : « il meut comme objet de désir ». Cet être suprême serait de nature intellectuelle, pensée pure : « pensée de la pensée », c’est-à-dire qu’il ne pense pas le monde, mais se pense lui-même en ce qu’il est cause du monde. 

Par leur propre faculté intellectuelle, Aristote nous dit également que les êtres humains ont une affinités avec ce Premier Moteur immobile. Pour Aristote, cultiver son intellect est partie fondamentale de sa philosophie éthique. L’intelligence est ce qui nous permet de nous rapprocher de cet intellect divin et de nous rendre immortel en nous rendant semblable au divin. C’est par la suite que les théologiens de la scolastique médiévale apparenteront le Dieu d’Aristote au Dieu d’Abraham, créateur du ciel et de la Terre, et qui a fait l’homme à son image.

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