« Je m’efforce de ramener le divin qui est
en moi au divin qui est dans l’univers. »
Plotin
Philosophe romain d’origine égyptienne, il nait vers 205 après J-C et enseignait à la manière de Socrate en discutant publiquement avec tout un chacun. La philosophie de Plotin repose sur une ambivalence fondamentale. D’une part, il s’inscrit dans la tradition de la philosophie grecque en cherchant à rendre compte de la réalité de façon rationnelle ; d’autre part, il est préoccupé, pour ne pas dire hanté, par l’idée du salut individuel de l’âme propre aux religions à mystères romaine, aux religions orientales et au christianisme.
L’unité de l’Etre
Pour Plotin, tout est Un et l’Un est en tout. L’Un est la forme unifiée de l’Etre, qui se disperse à partir d’une origine. La philosophie est alors le moyen par lequel le sage parvient à se libérer des apparences pour retrouver l’unité de l’Etre en remontant les intermédiaires entre le néant et l’Unité, à la manière d’un escalier de la connaissance.
En cela, la pensée de Plotin se rapproche très fortement de la philosophie des Idées de Platon pour qui les apparences, le monde sensible, est semblable à des chaînes qui nous maintiennent prisonnier au fond d’une caverne. Tout comme Platon, Plotin considère que la délivrance est individuelle et non pas collective, il doit s’agir d’une ascension personnel de l’âme vers l’Un à travers la matière.
La théorie des hypostases
Si l’âme descend de l’Un vers la matière, alors la compréhension de la réalité en passe par l’étude de l’origine que constitue l’Un, cause de toutes choses. L’Intellect, ce qui renferme les Idées, les modèles desquels surgissent les objets sensibles, est ce que Plotin appelle la première « hypostase », du latin « hypo » : « sous, dessous, en-dessous » et « stase » : « ce qui est absolument immobile ». L’Un est cet Absolue immobile dont tout découle et les hypostases en sont des dérivées, des parties, à la manière de poupées russes, toutes contenues dans l’infinité de l’Un.
La seconde hypostase est l’Ame, principe mobile entre l’Intellect et la matière dont Plotin nous dit qu’elle est fille de l’Intellect, fuyant son origine comme une adolescente en mal d’identité. Ce n’est que lorsque l’Ame comprend qu’elle sera toujours incomplète sans connaitre son origine qu’elle cesse sa course et se retourne vers l’Intellect, prend conscience de l’Un, le regarde et se fait traverser par sa lumière dont la puissance et l’infinité provoque la surcharge d’Etre de l’Ame la faisant imploser, créant ainsi la multitude des âmes individuelles.
La théorie de l’âme chez Plotin est donc assez complexe : l’Intellect produit l’Ame, origine du monde (comme chez Platon), qui produit les âmes individuelles qui parcourt le monde. L’Ame du monde est ce qui donne sa forme à la matière (comme chez Aristote), qui n’est autre que la Nature. Incapable de contempler l’Ame dans toute sa pureté come l’Ame ne peut contempler l’Un dans toute son infinité, la Nature se tourne vers la matière et se manifeste par l’animation des corps sensibles.
Le salut
Dans son soucis de trouver le salut, Plotin formule l’idée qu’il se fait de la destinée humaine. Selon lui, l’âme humaine est allée trop loin dans son éloignement par rapport à l’Un, mais conserve une partie d’elle-même dans le monde intelligible. L’âme humaine ne peut trouver son salut qu’en fuyant de sa prison matérielle. Cette fuite ne se fait pas par la mort du corps, mais est d’ordre spirituelle. C’est par une transformation intérieure que nous pouvons modifier notre état de conscience, l’idée que nous nous faisons du monde : les apparences se dissipe et nous est alors révélé le bonheur et l’éternité résidant en nous-mêmes.
Ce processus se produit lors de moments d’extase durant lesquels l’esprit se trouve plongé en lui-même et parvient ainsi à toucher ce qu’il y a de plus profond en nous. La religion de Plotin est donc sans Dieu, sans foi : le sage accomplit son salut par lui-même, en lui-même, car il y a identité profonde entre l’âme individuelle et l’Un.