21 Sep
21Sep

« Ne te montre pas soupçonneux envers tout le monde, mais prudent et ferme » 

« La parole est l’ombre de l’action »

Démocrite d’Abdère

          Alors que Parménide et ses disciple posaient le Tout comme un, immobile, incréé et fini, qu’ils ne permettaient même pas que nous nous attardions sur l’étude du non-être, les atomistes comme Leucippe et Démocrite considéraient l’existence comme faite d’éléments innombrables et toujours en mouvements : les atomes, 2000 ans avant que la recherche scientifique ne découvre effectivement l’existence de petits corpuscules formant la matière, qui furent nommés « atomes » en l’honneur de ces deux penseurs qui en firent l’hypothèse les premiers. 


Le fini et l’infini 

          Le grand débat philosophico-scientifique (les deux ne faisaient alors qu’un) vers 450 av. J.C. était la confrontation entre les visions pythagoricienne et éléatique de l’univers. Pour les Pythagoricien, le Tout était composé d’innombrables parties de tailles finis et en contact les unes avec les autres. Ils se représentaient ces parties comme des points géométriques, infiniment petits et sans étendue. Thèse que les Eléates, menés par Zénon d’Elée, ne se gênaient pas pour critiquer, car comment des points sans étendues pourraient-ils êtres et former une droite, par exemple ? Tandis que les Pythagoriciens affirment que la matière est divisible à l’infini, les Eléates s’y opposent fermement. 

C’est dans ce contexte intellectuel que Leucippe émerge et tente de concilier les deux position : pourquoi ne pas s’arrêter dans la division et supposer l’existence d(éléments matériels ayant une étendue, mais étant non divisibles, in-sécable (en grec : « a » = préfixe privatif + tomos = « morceau coupé ») ? Leucippe présente donc sa théorie de l’atomisme où chaque atome est éternel, un, et immobile par rapport à lui-même (en cela semblable à l’Etre parménidien), mais mobile par rapport aux autres atomes, dans le vide (kenon) infini. Leucippe soutenait ainsi que ce qui est (on) n’est pas plus réel que ce qui n’est pas (kenon), et que chacun des deux sont des causes des choses qui existent. Les atomes sont des êtres compacte et plein, ils sont ce qui est et se meuvent dans le vide : ce qui n’est pas, mais Leucippe affirmait que ce qui n’est pas est tout aussi réel que ce qui est

L’introduction du vide comme partie intégrante de l’existence est une idée neuve dans l’histoire de la pensée, car les Pythagoricien en avait déjà formulé le concept, mais ne le distinguait pas de l’air et de l’étendue physique entre les choses qui composent l’existence. Leucippe et Démocrite développèrent l’idée d’un espace vide sans aucune corporéité : le vide est infini et sans substance : il est originel. Leucippe justifie l’existence du vide comme l’élément nécessaire à la séparation des atomes entre eux, car le mouvement suppose l’espace vide (le non-être) ; si tout se réduisait au plein, aucun mouvement ne pourrait exister. Or, le mouvement est un fait dont la philosophie doit rendre compte. 


L’assemblage de l’existence 

          Selon les Atomistes, les atomes s’assemblent en se heurtant les uns aux autres comme dans une centrifugeuse et se répartissent dans le vide en fonction de leur taille : les plus petits vers le vide extérieur et les plus gros au centre du tourbillon. Cependant, l’explication de l’origine du mouvement centrifuge au sein du vide n’est pas donnée par les deux penseurs : le vide, les atomes et leur mouvement existent par nature. De leur union naissent les choses sensibles et leurs qualités (couleur, odeurs, résistance, &c) que Démocrite nommait qualités par relation (eidola) ce que le poète latin Lucrèce nommera simulacra (« simulacres »). Ces simulacres sont « émis par les objets sensibles » et « se déplacent à travers l’air », franchissant « en un court instant de longs espaces » (Lucrèce, De Natura, IV). A ce titre, Diogène Laërce nous dit que Démocrite, en plus d’être contemporains d’Hippocrate (fait intéressant), était aussi capable de sentir les simulacres : 

« Lorsque Hippocrate vint le voir, il lui fit apporter du lait et, après l’avoir examiné, il déclara que c’était là le lait d’une chèvre noire qui n’avait mis bas qu’une fois, et cette réponse provoqua l’admiration d’Hippocrate. On dit encore qu’une jeune fille accompagnait Hippocrate, et que le premier jour Démocrite lui dit « bonjour vierge », et le lendemain « bonjour femme ». Et en effet, la jeune fille avait perdu sa pureté pendant la nuit ». 

Ces qualités sont des images, des sons, des odeurs ou autres produites et émises par les objets sensibles et pénètrent ensuite dans l’œil et les autres appareils sensitifs. Cependant, ces qualités sont secondes, comme les appelleront les cartésiens, en ce qu’elles ne sont qu’apparence, « convention » : ce qui existe, ce sont les atomes et le vide. Démocrite fait ainsi la distinction entre la connaissance fausse, qui porte sur les qualités sensibles, et la connaissance vraie, plus profonde, qui pénètre jusqu’au fond de la réalité. 

Les Atomistes ajoutent que l’âme est elle aussi composée d’atomes. Elle est composée des atomes les plus mobiles : les atomes rond du feu. Ces atomes sont répartis à l’intérieur du corps dont ils permettent le mouvement, et sont renouvelés par la respiration, grâce à laquelle la vie continue au sein de l’organisme. Ils considéraient également que les dieux, tout comme les êtres humains, sont eux aussi des combinaisons d’atomes susceptible de naitre et de mourir selon la nécessité universelle, nécessité dont ni Leucippe, ni Démocrite ne sauront bien expliquer. Mécaniste et matérialiste, la théorie atomiste sera rejetée par Platon dont on dit (Diogène Laërce) qu’il aurait voulu brûler les livres de Démocrite. 


Une morale matérialiste ? 

          Démocrite fait la part belle au plaisir : le bien, c’est le plaisir, et le mal, c’est la douleur. Mais il n’est pas pour autant une caricature d’hédoniste : il faut que le plaisir, pour être véritablement le bien, soit durable et permanent. C’est pourquoi il est contreproductif de chercher le plaisir dans les choses mortelles et finies. Les bonheur ne se trouve pas dans les biens extérieurs, mais au fond de l’âme. Ce sont les biens de l’âme qui sont désirable, pas les biens du corps qui nous écartent de ce qu’il y a d’immortel et de divin en chacun de nous. 

La plus belle des vertus est ainsi la sagesse, qui nous permet de distinguer les vrais biens des faux, et qui est le principe fondamental de la pensée et de l’action juste et bonne. C’est par le développement de la sagesse que nous avons le potentiel, en modérant nos désirs de mortels, de nous élever au-dessus des troubles de l’existence et atteindre le parfait contentement de l’esprit.

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